L’Histoire du Grau du Roi – Grève aux limites inconstantes

Grau en latin gradus terme d’origine catalane signifie : ouverture dans le cordon littoral, naturelle ou artificielle permettant la communication entre les eaux de l’intérieur et de la mer.
Par l’effet des courants d’Est, les alluvions du Rhône ensablent progressivement le Golfe du Lion et les caprices des tempêtes et des inondations modifient sans cesse ce littoral.
Ainsi les cotes languedociennes ont longtemps été inhabitées à cause de l’instabilité du littoral, mais aussi de l’insécurité due a la piraterie (barbaresques, pirates, corsaires, forbans, larrons et des rôdeurs de tout poil).
Mais la volonté a été permanente de vaincre ces adversités et l’histoire retient ;
Les pêcheurs nomades battant la cote avec barques, filets et tentes précaires tout l’été, avec retour au bord des étangs l’hiver venu.
L’utilisation des graus très favorables à la pêche mais aussi à la marine marchande pour le transit des produits du commerce a fini par fixer l’activité humaine en extension permanente.
Pour illustrer cette lutte, la création d’Aigues-Mortes voulue par Louis IX entreprise en 1244 érigeant ses remparts en quelques années, la tour de Constance et le port nouveau relié a la mer par le canal vieil débouchant à l’ouest dans la bien nommée Anse du Repos qu’une jetée construite au sud achevait de protéger, permettant le mouillage accessible aux grands bateaux.
Jusqu’en 1666 date de la création de Sète qui signera la fin d’Aigues-Mortes en temps que principal port du Languedoc, la lutte pour préserver son accès à la mer sera constante.
En 1532 le Rhône vif crée un grau neuf. En 1552 dû à la crue, le Rhône débouche vers les Saintes Maries. En 1554, l’étang du Repausset remplace l’Anse du Repos, close par ensablement.
En 1570 la rade est encore spacieuse et profonde, mais en 1592 elle est réduite à un grau presque comblé dit grau de la croisette ou crouzette.
En 1598 s’ouvre naturellement le grau des Consuls ou gagne-petit ensuite appelé Henry et du Roi en 1630.
Ce grau restera ouvert jusqu’a présent mais sera appelé successivement Peletier en 1798, Napoléon bien sur sous le 1er Empire , d’Aigues-Mortes et par intermittence du Roi…et finalement du Roi depuis 1879.
Mais les travaux pour le maintenir ouvert n’ont jamais pu cesser, en 1727 jusqu’en 1734 l’entrée du grau d’Aigues-Mortes est pourvue de 2 moles, un sur chaque rive et en 1751 le chemin de halage de la Grande Roubine relie le grau au port d’Aigues-Mortes.

En 1765 jamais le grau n’a été en meilleur état, en 1769, la batterie du Grau du Roi est construite car jusqu’ à la fin du 18e siècle les parages du grau sont sous la hantise des incursions pillardes et barbaresques.

Bibliographie
Le Grau du Roi – Alain Albaric
Un siècle d’histoire 1900 – 2002 – Mairie du Grau du Roi
Le Gard de la préhistoire à nos jours – Raymond Huard
Mission impossible – Pierre Racine

Nous aurions pu être héraultais !!!!

Le 28 février 1790, à la suite d’âpres discussions, la ville de Ganges initialement dans le diocése de Nimes fut échangée par les représentants du Gard à l’Assemblée Constituante contre le canton d’Aigues-Mortes initialement dans le département de l’Hérault, donnant ainsi au département, une fenêtre sur la mer.
Lire le dossier sur l’échange

Le massacre d’Aigues Mortes

Alors que nous étions encore Aigues Mortais, le massacre des Italiens d’Aigues-Mortes est une suite d’événements survenus les 16 et 17 août 1893, à Aigues-Mortes, ayant conduit au massacre de travailleurs italiens de la Compagnie des Salins du Midi, par des villageois et des ouvriers français. Les estimations vont d’une dizaine de morts (officiellement 8) à 150 morts (selon la presse italienne de l’époque), ainsi que de nombreux blessés, victimes de lynchages, coups de bâton, noyade et coups de fusils.

Cet événement est aussi l’un des plus grands scandales judiciaire de l’époque, puisque aucune condamnation ne sera jamais prononcée.

La Compagnie des Salins du Midi lance à l’été 1893 le recrutement des ouvriers pour le battage et le levage du sel. L’embauche est en réduction en raison de la crise économique que connait l’Europe alors que la perspective de trouver un emploi saisonnier a attiré, cette année-là, un plus grand nombre d’ouvriers.
Ceux-ci se partagent en trois catégories surnommées :

  • les « Ardéchois », paysans, pas forcément originaire d’Ardèche, qui laissent leur terre le temps de la saison,
  • les « Piémontais » composés d’Italiens originaires de tout le nord de l’Italie et recrutés sur place par des chefs d’équipe, les chefs de colle,
  • les « trimards » composés en partie de vagabonds

En raison du recrutement opéré par la Compagnie des Salins du Midi, les chefs de colle sont contraints de composer des équipes comprenant des Français et des Italiens2.
Dès le début de la matinée du 16 août, une rixe éclate entre les deux communautés qui se transforme rapidement en lutte d’honneur3.
Malgré l’intervention du juge de paix et des gendarmes, la situation va rapidement dégénérer. Certains trimards rejoignent Aigues-Mortes et y affirment que des Italiens ont tué des Aiguemortais, ce qui fait grossir leurs rangs de la population et des personnes qui n’ont pas réussi à se faire embaucher
Un groupe d’Italiens est alors attaqué et doit se réfugier dans une boulangerie que les émeutiers veulent incendier. Le préfet fait appel à la troupe vers 4 heures du matin, elle n’arrivera sur les lieux qu’à 18 heures, après le drame.
Dès le début de la matinée, la situation s’envenime, les émeutiers se rendent dans les salins de Peccais où se trouvent le plus grand nombre d’Italiens que le capitaine des gendarmes Cabley essaie de protéger en promettant aux émeutiers de chasser les Italiens une fois raccompagnés à la gare d’Aigues-Mortes. C’est durant le trajet que les Italiens assaillis par les émeutiers sont massacrés par une foule que les gendarmes ne réussissent pas à contenir.
Selon les autorités françaises, il y eut officiellement 8 morts. On connait l’identité de sept d’entre eux :

  • Carlo Tasso, d’Alessandrie, Vittorio Caffaro, de Pignerol,
  • Bartolomeo Calori, de Turin, Giuseppe Merlo, de Centallo,
  • Lorenzo Rolando, de Altare, Paolo Zanetti, de Nese, Giovanni Bonetto.

On ne retrouva jamais le cadavre d’un neuvième Italien, Secondo Torchio. De même, suite à ces évènements, 17 Italiens étaient trop gravement blessés pour pouvoir être évacués en train : l’un d’eux mourra du tétanos un mois plus tard.

Enzo Barnabà, Le sang des marais : Aigues-Mortes,
Gérard Noiriel, Le massacre des Italiens. Aigues-Mortes, 17 août 1893,
José-Ramón Cubero, Nationalistes et étrangers
Michel-Louis Rouquette, La chasse à l’immigré
Frédéric Simien, Aigues-Mortes, tome III,
Serge Valletti, Sale Août, éditions L’Atalante